Oberammergau, ALLEMAGNE - 34° KÖNIG LUDWIG LAUF - 50 km Skate Worldloppet FIS - 04 février 2006
La légende de Louis II et le Dolo mythe - épisode 2.
![]() | Après avoir passé le Passo Sella, le Brennerpass, nous plongeons sur Innsbruck, une ville à la montagne. L’étape culturelle s’impose. Nous suivons le parcours des Japonais, mais pas encore cheval car il faut rester modeste. Le petit toit d’or, un passage par le parc enneigé où nous assistons à une partie d’échecs en plein air et afin de nous imprégner des références locales, nous délaissons la pizza bière du restaurante di Fassa au profit de lasagnes aux épinards accompagnées d’un Blauer Gerteilt de chez Heinrich Einach, suivies d’un Apfelstrudel mit Schlagsahne und Vanille Eis, le tout servi dans les fauteuils Biedermeier customisés du café de l’Opéra. | ![]() |
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Nous sommes logés à l’Hôtel Ludwig der Bayer où nous avons réservé un étage complet : escalier et ascenseur privatifs donnent sur un couloir de distribution qui relie corridor et notre local à farter. Le corridor donne lui-même accès à la salle de bains, à la cuisine, au salon et chambre. Notre installation est complétée au sous-sol par le sauna, le hammam, la salle de repos, le tepidarium et la piscine. Bars et restaurants sont au rez-de-chaussée. Il va falloir être fort dans la tête pour sortir de l’hôtel. | ![]() | ![]() |
![]() | Mais, un bonheur n’arrivant jamais seul, la piste de la course passe sous nos fenêtres, situées exactement au kilomètre 1. Il ne nous sera pas trop difficile de rejoindre le départ samedi. Les dossards sont à récupérer à Oberammergau, village mondialement connu pour ses représentations décennales, depuis maintenant plus de trois siècles, de la passion du Christ. | ![]() |
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En 1633, le village a été épargné par la peste et les habitants ont, en remerciement à Dieu, promis de donner tous les dix ans une représentation. 1100 comédiens amateurs y participent et elle dure une journée entière. Mais la Bavière, c’est également la patrie de Louis II, qui a d’ailleurs laissé son nom à la course que nous allons faire. C’est déjà pas mal quand on pense que cet ahuri mégalo qui se prenait pour Louis XIV a juste ruiné son pays. Il faut néanmoins lui reconnaître un certain talent dans le choix des sites et des aménagements de ses châteaux. Toutes choses égales par ailleurs, le CSMR a certainement manqué d’ambition à l’époque où il jeta son dévolu sur la ferme Bertrand et il serait temps de reconsidérer notre stratégie immobilière. Après tout, le président et le trésorier du club risquent de suivre le sort de Louis II, mais les châteaux restent |
Et précisément, la course passe au cœur de Linderhof, ce qui donne au parcours un cachet bien particulier. Linderhof, aménagé par Karl von Effner, fut d’ailleurs construit sous le nom de code Meicost Ettal, anagramme de la fameuse devise de Louis XIV, « l’Etat c’est moi ». La veille de la course, nous allons reconnaître à skis les six derniers kilomètres du parcours, plats mais longs. La distance officielle de la course est d’ailleurs de 50 kilomètres mais certains documents et les dossards font référence à 55 kilomètres. Les six derniers doivent bien en faire sept. | ![]() |
![]() | Puis nous allons nous promener dans le parc de Linderhof. La piste est tracée ; un ravitaillement est situé sur les parkings qui accueillent les cars à la belle saison, puis on entre dans le domaine entre les deux piliers de pierre du portail d’entrée. |
![]() | Après
une petite bosse, on débouche entre les cascades en terrasse, le château à gauche
et la gloriette à droite. Un manteau blanc et le ciel azur complètent un panorama
propice à déclamer du Mallarmé. Autant en profiter aujourd’hui car demain cela
devrait aller un peu plus vite. | ![]() |
Il est temps de rentrer pour préparer les skis : deux doses de dibloc rose pour une de dibloc bleu, M1 en surface et direction le sauna. Il paraît que ça ne se fait pas une veille de course mais on y a droit, on y a droit. Surtout, le sauna justifie la bière. Certains juristes considèrent même que c’est un lien de consubstantialité qui unit l’un à l’autre, comme pain à beurre, piano à bretelles et Johnny Halliday. Puis, direction la neige et enfin le tepidarium.
Un tepidarium, pour les crasses ignorantes habituées à coucher sur des paillasses dans des dortoirs puants, d’où les tire d’un sommeil de brute anesthésiée par l’absorption de trop nombreux verres d’un alcool frelaté, un Thénardier au regard torve et au souffle marqué par l’effort qu’il a dû fournir pour hisser sa carcasse graisseuse en haut de l’escalier craquant qui mène à l’un des dortoirs susmentionnés, est une large pièce tiède[1], où règne une pénombre juste troublée par un plafond étoilé aux reflets changeants ainsi qu’une douce mélodie jouée à la harpe et un souffle d’air parfumé à la cannelle, où vous tendent les bras des fauteuils réalisés dans la masse, recouverts de mosaïque et tenus à température de la pièce.
Après
ce moment difficile, il est temps de faire chauffer les pâtes, de faire cuire
le gâteau car nous bénéficions cette fois d’un four, tellement neuf d’ailleurs
qu’il est nécessaire de le faire chauffer une heure à vide pour éliminer les produits
de protection déposés sur les parois. Enfin, au lit.
Samedi, jour de course ; le soleil éclatant des deux jours précédents a laissé place à une espèce de brouillard clair. Le soleil n’est pas loin et il ne fait pas froid, mais l’air est très humide. Nous avons obtenu brillamment une qualification en deuxième et dernière ligne. Parti de l’hôtel le dernier des trois à seulement vingt minutes du départ de la course, je suis largement en deuxième partie de ligne et j’ai donc, tel le pistard aux aguets, Jacky, Serge mais aussi tous les autres dans ma ligne de mire. Mon attaque n’en sera que plus déterminante qu’elle sera masquée. La piste est damée sur 30 mètres de large pendant deux kilomètres et puis cède place à une bosse au sommet de laquelle on ne passe qu’à deux de front. Fort heureusement, les deux premiers kilomètres sont en profil assez nettement montant. Ma tactique est claire ; envoyer les deux premiers kil’ tout en un temps en me calant sur l’extrême gauche de la piste, quitte à faire chauffer les cuisses et serrer le cœur. | ![]() |
Ayant fait comme j’avais dit et malgré une chute provoquée au kilomètre quatre par un bourrin de service, je me retrouve globalement dans un groupe qui skie. Le parcours oscille entre le plat montant et le plat descendant avec des relances en virage et tout passe en un temps ou en deux temps combiné.
![]() | ![]() | Dans ces conditions, l’allure est rapide et la course ressemble à une course cycliste : à l’aspiration et des accélérations brutales et brèves pour décrocher un groupe et aller chercher plus avant. Tant et si bien que, exception faite de la bosse du km 2, j’arrive au km 27 sans avoir fait un seul pas de deux, dans la première des deux seules montées du parcours.Je me fait l’effet d’un cycliste obligé de mettre tout à gauche après avoir roulé plus d’une heure sur la plaque et la première minute me semble plus une escalade qu’une montée. | ![]() |
C’est à ce moment que je m’aperçois que je fais la course des filles. En effet, j’ai rejoint la quatrième il y a cinq kilomètres et je l’ai ramenée sur la troisième. Nous avons maintenant la seconde en ligne de mire. A quinze kilomètres de l’arrivée, nous formerons un groupe de cinq composée d’elles trois, d’un autre coureur et de moi. Ces quinze derniers kilomètres sont nerveux car elles jouent une place…et de l’argent. Je veille à ne pas gêner l’explication entre les trois, idée qui ne vient pas à l’esprit de mon acolyte tchèque qui en fait tomber une en la doublant à cinq kilomètres de l’arrivée. Le podium est fait, elle ne reviendra jamais et finira quatrième. Devant, la Norvégienne a pris le pas sur la Suissesse et, lorsque je juge l’écart suffisant, je mets une mine pour revenir dans ses skis. Il ne reste plus que deux kilomètres, mais je suis à fond et pas sûr de tenir jusqu’au bout. Nous sommes obligés de slalomer entre les arrivants du 23 kilomètres et, à ce jeu là, je fais un peu l’élastique. Nous arrivons sur le stade d’arrivée, un stade d’athlétisme sur lequel nous parcourons un demi-tour. Dans le virage d’arrivée, je laisse la corde à ma Norvégienne, compétiteur mais galant, déborde par l’extérieur, envoie ce qui reste dans la ligne droite et la laisse à trois bons mètres derrière. Yes ! je suis deuxième fille !
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Serge et Jacky me rejoindront à l’hôtel quelques instants plus tard. Reste à reproduire le rituel sauna piscine tepidarium bière, auquel s’ajoutent ce soir là Goulasch, choucroute, ragoût de cerf, vin blanc de la Hesse, vin rouge de la forêt Noire et divers alcools de l’abbaye d’en face.
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Rideau, y a pu qu’à rentrer, non sans avoir atteint au cours de la soirée des sommets dans la conversation en matière de philosophie. Extraits :
« Pré Poncet », ça s’écrit avec un « c » comme dans « Morgen ». |
En matière d’âge, l’année de naissance compte plus que la technique. |
Je chie donc je suis. |
Si Charlemagne avait pas eu trois fils, on aurait moins de mal à s’expliquer pour commander une bière. |
L’anarchie, c’est l’ordre sans le pouvoir. |
Un
imbécile qui pousse sur les cannes ira toujours plus loin qu’un intellectuel qui
cherche l’accroche. |
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[1] tepidus signifie tiède en latin
Page
développée par Pierre
MICHEL / 10-mar-07
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